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jeudi 4 septembre 2014

HIP HOP KEMP 2014 - Le Général en Campagne


DISCLAIMER: Pour justifier la légère aigreur qui peut transparaître dans le présent récit, il faut savoir que, comme à mon habitude en mode raccroc, j'ai choisi de rejoindre Prague en car plutôt qu'en MODE DE TRANSPORT HUMAIN. Mais que sont 14h de trajet au regard de cet inoubliable festival (que dis-je, de cette grande Messe annuelle du boom-bap) que je m'apprête à découvrir!

"Snowgoons c'est t'y pas du Real Hip-hop ca, mon René?"

Ah, les douces joies du camping: bienvenue chez les Dupont-Lajoie tchèques! Casquette Real Hip-Hop et pintes de Tisenburg remplacent ici le Pastaga et les bérets du Tour de France, mais l'esprit est bien là!
Le temps d'installer sa tente (pas loin du stand "Super Skunk" improvisé par un dealer polak) et l'heure est venue de se faire un premier gueuleton. On me décore d'un bracelet blanc PRESS (synonyme d'un grand pouvoir ici), on me fouille jusqu'à l'oignon et me voilà dans l'arène.


Il me tarde de rencontrer les Jean-François Piège locaux, et je suis pas déçu:
-Galette frite à l'huile de camion, accompagnée de ses cornichons rances
-Pizza épaisse de 7 lieues, nageant dans son fleuve de ketchup
-Pâtes froides à la "Vietnamsky", sauce marron


Ce bon repas est l'occasion de feuilleter, de ses doigts gras, le programme des réjouissances, avant d'aller écouter le premier groupe tant attendu: le Brotch-Krutskytzni Krew, fiers représentants de la Syldavie (ou un truc du genre)!

"Quand je dis brotsch, vous dites brotsch!"
"Euuh Brotsch!?!"

Bien entendu, on comprend queudalle, mais les autochtones ont l'air de kiffer et c'est le plus important, surtout que ca ne dure qu'un heure, allez. Un petite promenade s'impose justement pour découvrir ce à quoi ont droit les VIP dans mon genre.
Press Center avec accès Wi-Fi, Lounge VIP avec chiottes décentes... Je conseille d'ailleurs à nos lecteurs de toujours tenter un coup de bluff avant d'acheter sa place en festival, ca peut sauver des vies. L'année prochaine je dis que je viens pour le Gorafi.
Je me mets en quête du fameux stand de Combat de Meufs dans la Boue, objet principal de ma venue (NDA: à mon plus grand désespoir elles combattaient cette année dans du jus de tomate).


Le programme du soir annonce Cee Lo Green. Je prends donc la direction de ma tente, enfile tous mes vêtements en même temps en guise de pyjama, et, dans un froid actique, écoute en grelottant ce crétin faisant des reprises de Nirvana et des Ramones, surement habillé en poulet-robot. (NDA: en fait il était habillé comme n'importe quel péquin) Bonne nuit.

11h, je suis réveillé par les 60°C de ma tente, et une évidence: s'installer à coté des gogues chimiques n'était pas une idée de ouf, mais bon, ca schlinguait pas encore le premier jour. Beau piège les gars, bravo.
Premier événement de la journée: une freestyle battle de slovaques. J'ai rien pigé mais le gagnant semble être un type à la jambe cassée.


Puis commencent les concerts sur la scène principale et c'est l'heure pour moi de profiter du couloir réservé aux photographes, au tout premier rang. Cette sensation de pouvoir, de supériorité sur le commun des mortels, ca n'a pas de prix et c'est ce qui m'aidera à tenir dans les moments plus difficiles de l'aventure. Et ils seront nombreux.

"OK, qui a hué?! Ca suffit maintenant!"

"Black Milk + Live band" sonnait de mauvaise augure sur le programme, et effectivement mes aprioris les plus vils sont confirmés: les groupes live c'est pour les branleurs. Quand Black Milk qui est, à la base, un beatmaker, tronque sa performance de la sorte, il se tire une balle dans le pied, surtout si c'est pour nous faire du gospel ou de la funk à la con. Il finit par Sound the Alarm, un de ses morceau phares rejoué par l'orchestre des Musclés.
Mais prenons un moment pour saluer ce coup de génie des organisateurs: alterner les groupes US et les groupes slaves permet à tous d'aller pisser entre chaque show. Ou bien d'errer dans les allées et se retrouver devant un des trucs secondaires: concours de 3 points, démo de skate...


Ou cours de twerking! Sur une petite scène, un peu à l'écart, les bêtes les plus assoiffées de Hradek Kralove se sont agglutinés dans l'ombre. 50 sourires carnassiers, la bave aux lèvres cernent leur proie: la prof de twerking qui, sans se démonter, fait rebondir son gros cul sur du dub-step. On est vite aspiré dans ce mouvement de balancier, néanmoins le charme se rompt instantanément dès qu'on aperçoit la gueule de ses voisins. Tirons nous de là, voulez vous.

Oui, c'est bien DJ Illegal à droite.

Retour à la scène principale où Marco Polo joue avec un groupe polonais. Pourquoi? Comment? Mieux vaut ignorer certains rouages du rap bizness, mais évidemment les beats sont pas mal et on se donne le droit de bouger le crane dessus.
C'est un parfait warm-up pour ce qui suit: les Dilated Peoples déboulent et enquillent leurs classiques, quelques nouveaux sons de leur dernier album Directors of Photography, ainsi que quelques perles solo d'Evidence (de l'album Cats & Dogs notamment). Petite démo de scratch d'un DJ Babu en grande forme, et c'est pour l'instant le meilleur concert du festival.


Pendant que la foule se masse encore davantage pour KRS-1, je file au hangar où jouent mes potos de DSA Commando (le groupe du beatmaker Sunday, qu'on a déjà interviewé ici) au même moment.
La prog ne leur a pas fait de cadeau en leur donnant le même créneau que The Teacher, mais ils vont vite lui piquer 2000 personnes et leur tatouer les tympans au fer rouge. L'énergie de ces gars sur scène renvoie Dilated Peoples dans les cordes pour mon classement perso, mais ne nous avançons pas trop avant Action Bronson et Onyx le lendemain.


A noter: Madchild jouait le même soir dans un autre hangar mais c'était trop blindé pour entrer! J'ai pu entendre le hook de Dickhead au loin... Et de toute façon c'est le seul titre de ce mec que je connais. J'ai toujours trouvé ses sons trop proprets et mécaniques depuis Swollen Members. Quelques Tisenburg et au dodo.

Nouvelle nuit gelée, nouveau réveil en serre! Un camarade me raconte le show de KRS-1 de la veille en se brossant les dents: le vieux a rappé sur du dub-step, causant une fuite massive du public! C'est comme ça dans ce rap game, une erreur d'inattention et ta carrière est brisée.

"Youhouuuu! Vous êtes où les amis?"

Midi: l'heure d'une bonne plâtrée de pâtes vietnamsky sur le canap' du Press Center. Après un vain débat sur ce que pourrait bien être cette sauce marron, nous consultons à nouveau le programme de la journée. Black Moon, Bronson, Pharcyde & Onyx.

"Depuis quand ils ont rien sorti ces croûtons de Pharcyde, sans déconner?
Là, un type qui nous écoutait nous sort:
"Yes, yes! It's me J-Swift from the Pharcyde, you ready for the show?
"Hum euh why not, yes..."

Bon c'était pas mal leur petit set aux Pharcyde, avouons le. Bien rodé (après 20 ans de répète, vous me direz, ca serait ballot), énergique, tout comme le show de Black Moon juste avant eux (sur qui j'ai vidé mon chargeur photographique). Mais les jeun's veulent du frais, du neuf, du Bronsolino!


Plus tard quelqu'un me dira qu'il a trouvé Bronson trop arrogant sur scène, et c'est pas faux. Son set à lui joue beaucoup plus sur le charisme que sur l'énergie.
Le type arrive sans front-man, spliff au bec, et débite nonchalamment Shiraz, The Symbol, Easy Rider... Un Meyhem Lauren sorti de nulle part le rejoint pour 100MPH, Sylvester Lundgren... Tchèques en délire. Bronson arrache son t-shirt pour clore façon cro-magnon et finalement exploser son micro par terre. Du show, du rock n roll, forcément plus efficace qu'une mécanique bien huilée comme l'ont fait la plupart des autres groupes ici.


Pendant ce temps ma mission était simple: faire semblant de prendre des photos pour assurer ma position au 1er rang, et cacher aux autres mon écran qui indiquait "Batterie vide". Dur métier.



En attendant Onyx, la prog bienveillante a calé deux orchestres typiques pour nous laisser le temps d'aller chercher des Tisenburg: Contrafakt et Snogguns (quelque chose du genre). Rien de bien folichon.
Une fois revenu du bar, belle surprise: une bande de trous du cul de VIPs avaient réussi à déborder les vigiles et s'étaient incrustés sur scène pour mieux voir le show.
Dans ces moments là, on aime bien prendre quelqu'un en grippe et le choix était vite fait.
Un vieux type sans bracelet était calé sur la rambarde de la scène, l'air satisfait, sans jamais bouger la tête. Ses lunettes de designer à 3000€ et son rapport cordial avec le chef de la sécurité m'ont conduit à la conclusion que c'était lui qui avait financé tout ce délire. Un de ces nouveaux riches de l'ère post-soviétique.
Sa gouvernante a du mettre du temps à décoller tous mes vieux chewing-gums de ses pantalons, mais c'était de bonne guerre.
Conclusion: on trouve toujours plus VIP que soi; et d'après ce que j'ai entrevu de derrière les épaules de cet enfoiré, Onyx avait l'air de mettre un bon bordel (oh bonheur, sans jouer trop de leurs nouvelles bouses prod. Quivousavez).


Marco Polo à coté de moi avait l'air du même avis, l'orteil qu'il m'a écrasé pendant Shut Em Down peut en témoigner.
Une fois l'after-party mi-figue mi-raisin de Snak the Ripper terminée (tout le monde était déçu qu'il n'ait pas joué Vandalize Shit apparemment), la rebiè à coulé à flots jusqu'au matin, où une triste averse nous a accompagné jusqu'au train du retour.

La dernière douille shootée par mes compagnons de wagon slovènes sonnent la fin des vacances, et annoncent les 14h de car que je dois me taper pour rentrer dans le monde civilisé.
Adieu les pintes à 1€. Adieu les bulgares qui se foutent de ta gueule dans une langue ingrate. Adieu le graillon plein les sapes.

-Soupir mélancolique-

Signé Général Alcazar

Retrouvez nos émissions chaque semaine sur ce blog! La rentrée radiophonique est proche, en attendant les anciens podcasts sont toujours dispo pour les amateurs de bon hip-hop underground!